J’aime faire des billets humoristiques mais je crains que celui-ci ne gonfle mes lecteurs habituels car finalement il va être assez sérieux. Je vais parler d’un sujet que je maitrise peu mais que je découvre grâce à la famille de mon aimé. Mais avant cela, je vais cracher un peu mon fiel sur cette tendance qui constitue 80% de ce que je vois par l’intermédiaire de mes amis facebook (que je ne juge pas car si ça me plait pas, je ne suis pas obligée de les suivre). Cette tendance est le végétarisme sous espèce des activistes anti-élevage : « ouais moi je mange que des carottes et on devrait manger tous ceux qui mangent du poulet » j’ai du mal à l’idée de devoir manger ma mère sous prétexte qu’elle bichonne ses poulets pour les servir à Noel à ses enfants autour d’une tablée pittoresque et je ne vois pas en elle le Attila préhistorique qui assouvit ses perversions en cédant à son thalamus qui lui réclame de la vitamine B12… et pourtant je suis convaincue que le végétarisme me rend en meilleure santé et m’a fait découvrir une nouvelle cuisine (j’ai toujours une pensée pour une personne que j’ai connu à Centrale, qui s’appelait Raphaelle Belin et que j’aimerais retrouver un jour) et ensuite nous avons le yin et le yang : un certain nombre de poste sur le coup scandaleux des chômeurs et de l’utilisation abusive des aides sociales contre les posts à l’encontre des politiciens véreux (avec quelques commentaires délectables comme « ouais mais on s’en prend toujours aux mêmes »). Je suis aussi sur Facebook un ami québécois qui poste la même chose de son côté, donc en première analyse, je dirai qu’on est peut-être pas les plus mal lottis (ma chère Marché aux Puces, pense à désactiver les commentaires sur ton blog avant d’être assaillie par des « oué mé tu défen ceux qui se gave avec té impot t’es trop conne les gens ! »). Dans les tendances, nous avons ensuite les posts avec des chats et des grosses bêtes à poils, les minions qui philosophent, et quelques articles en lien avec mes loisirs.
Il reste un sujet que je garde donc pour cet article et je vais parler en béotienne que je suis mais avec mon peu de connaissance, mes convictions et finalement un dialogue intéressant avec des personnes du métier : la maltraitance des animaux, sous-sujet : les spectacles d’animaux et les zoos.
Je vais vous parler de mon compagnon mais surtout de mon beau-père. Quand je les ai rencontrés, je n’avais qu’une vague idée du cirque : paillette, divertissement, voltige et tours fabuleux. Je savais que l’envers du décor ne devait pas être reluisant, j’avais lu quelques articles sur des animaux maltraités mais ça ne me touchait pas, j’étais scandalisée le temps de mettre un « like » et je passais à autre chose. Et j’ai rencontré les Pedersen, une famille dont la spécialité familiale est le dressage d’animaux. En ce qui les concerne, ils dressent des lions de mer. Evidemment, comme beaucoup de passants, mon discours intérieur était « que les animaux en liberté c’est mieux, que c’est honteux de faire de l’argent en leur faisant faire les clowns, et nia nia nia ».
J’étais à mille lieues de comprendre la vie de ces gens. Et j’en découvre tous les jours, dans les joies et dans les peines. Je ne vais pas m’étendre dans cet article à expliquer que c’est une vie difficile pour eux. Il y a eu de belles années pour eux il y a longtemps mais la profession meurt car les familles n’emmènent plus leurs enfants au cirque ou voir des spectacles car ils sont occupés à liker leur indignation sur facebook sur un domaine qu’ils jugent sans comprendre. Bref, ce qui m’importe aujourd’hui c’est d’évoquer le lien entre les animaux et cette famille qui devient une partie de la mienne.
Les Pedersen avaient, quand je les ai rencontrés, 3 lions de mer Candy (femelle – 30 ans), Scoubi et Teddy (2 mâles de 15 ans) et 2 manchots (Minnie et Nellie d’environ 20 ans). Une sacré équipe déjà et des animaux peu communs à avoir dans leur jardin. Leur jardin étant un espace de 4 hectares, ils ont aussi plusieurs piscines, des remorques aménagées en piscine climatisée pour le transport, bref, ce n’est pas comme les chiens, il n’y a pas de sac à lion de mer pour les transporter…
Alors oui, ils soignent leurs bêtes parce que c’est leur gagne-pain, on pourrait dire que c’est uniquement intéressé, ils prennent soin d’un investissement… c’est possible et ça serait compréhensible. En tout cas c’est ce que j’ai pensé. Je ne ferai pas la liste des coûts liés aux soins pour des animaux dont le vétérinaire du coin n’est certainement pas équipé pour diagnostiquer quoique ce soit sur un mammifère à crinière de 350kg, de leur nourriture qui doit être le poisson qu’ils sont sensé manger (et non pas des poissons panés Captain Igloo) et de leur eau qui est changée tous les jours. Bref, dresser des chiens ça peut être sympa aussi mais non, ils ont choisi des lions de mer.
J’ai réalisé que j’avais raté quelque chose à la mort de Candy. Quand je l’ai appris, c’était soudain et je me suis dis « bah elle était vieille ». Mon compagnon a pleuré 3 jours. Candy était la dernière à avoir connu son grand père (qui avait commencé en dressant des ours polaires) et il m’a raconté que Candy était à la retraire mais qu’elle avait travaillé dur toute sa vie pour lui offrir tout ce qu’il avait eu. J’ai vu une jolie photo de mon compagnon tout petit qui lance un ballon à Candy. Elle n’a pas l’air maltraitée, elle n’a pas l’air de regarder le vide en se demandant où sont passés ces grands espaces où les siens sont sensés vivre. Elle regardait ce petit garçon comme une curiosité, elle avait l’habitude de le voir se balader et faire des câlins brutaux, il ne la nourrissait pas donc ce n’était pas la volonté d’être nourrie qui créait un lien avec les enfants Pedersen, c’était simplement le fait de vivre en communauté avec eux. Oui ils montaient ensemble sur scène pour faire applaudir des gens avec des ballons et des cerceaux, mais le reste du temps, ils n’étaient pas enfermés. Ils jouaient, ils se baignaient ensemble et si la fin du mois était difficile, les bêtes passaient avant les enfants et les enfants l’acceptaient.
Les lions de mer des Pedersen sont nés en captivités et ils les ont eu avec eux tout de suite. Ils ne les ont pas dressés à coup de cravache mais au toucher et à la nourriture : toucher la queue = attraper le ballon et recevoir un poisson. Mon beau-père a passé sa vie à dresser des animaux et pour cela, la France exige un certificat d’aptitude qui demande 5 ans de travail dans un zoo ou un cirque plus le passage devant un jury de 30 à 40 personnes pour évaluer non pas les capacités de spectacles mais de soin et de connaissance des besoins de l’animal : ce qu’il mange, ce dont il a besoin, la sécurité, etc. Ces certificats sont généralement délivrés pour une durée limitée mais lui l’a obtenu à vie grâce à son expérience. Il est intransigeant avec sa famille sur le traitement des animaux et n’a jamais eu un seul jour de vacances car le besoin des lions de mer n’est jamais en vacances : les piscines sont vidées tous les jours et remplies (combien de fois sont ils arrivés pour des contrats, forcés de repartir car l’eau n’était pas suffisante pour le bien être des animaux ?), les animaux inspectés, nourris, divertis et entrainés, le reste du temps ils nagent, se reposent, ils ont naturellement leurs chaleurs de temps en temps et il communiquent à leur manière. La France est un pays où le système est sévère pour avoir un certificat d’aptitude et il trouve que c’est normal. Son regret, c’est le peu de moyen alloué au contrôle et de fait, les tristes anecdotes qui salissent leurs réputations. Beaucoup de dresseurs ont obtenu leur certificat mais négligent les soins et sans contrôle, ils exercent en toute légalité avec des animaux tristes et malades.
Un tel certificat n’existe pas dans beaucoup de pays d’Europe où les cirques préfèrent souvent rester car ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Du coup, les spectacles d’animaux risquent de fuir la France avec un bon certificat mais sans contrôle pour aller à l’étranger ou sans certificat du tout, n’importe qui peut montrer des animaux maltraités.
Je prends aussi quelques minutes à la mémoire des manchots. Je n’ai pas connu beaucoup Nellie elle est morte de vieillesse peu après ma rencontre avec les Pedersen, mais j’ai pu voir Minnie plus souvent. Mon conjoint adorait Minnie et aussi bizarre que ça puisse sembler (en tout cas pour moi qui ne croit pas vraiment que les animaux ont des sentiments) elle le reconnaissait. Quand il était là, elle se calmait, elle criait (les manchots crient comme des ânes, ils ne font pas coin coin) et elle se laissait porter (même ma belle-mère qui la connait depuis 30 ans avait encore du mal à la porter sans essuyer quelques grosses griffures) et dorloter. Quand elle a commencé à montrer des signes de faiblesses, nous y sommes allés tout de suite car contrairement à Candy, nous voulions lui dire au revoir, pour que son départ soit moins douloureux. Elle a passé des heures dans la chaleur des bras de Kim et le soir il lui a dit tendrement au revoir. 48h après, Minnie nous quittait et cette fois, c’est moi qui pleurait à chaudes larmes.
J’ai été chanceuse car mon beau-père a pris le temps de me parler de la cause des animaux, des zoos, des parcs animaliers et des cirques. Il me racontait que lorsque des organismes comme le Peta réussissent à fermer un établissement, souvent aucune structure ne peut les accueillir. On n’héberge pas un lion n’importe où si on veut qu’il soit en pleine forme : il faut de la place, de la nourriture qui coute cher et des soins vétérinaires qui ne courent pas les rues. Du coup, les animaux « libérés » sont euthanasiés. Je ne le savais pas et je ne l’ai pas cru. Mais en effet : « plutôt mort qu’enfermés » c’est bien le slogan non ? Alors avant de hurler à la fermeture d’un parc, ne vaudrait-il pas mieux le contrôler pour s’assurer que les bêtes sont bien traitées, mettre des amendes pour exiger de bonnes conditions car sinon, elles seront simplement tuées et la faune n’aura rien gagné. Pas de retour à la nature possible, pas de compétences pour les prendre en charge = viande en trop et gênante.
Tout cela pour conclure qu’en peu de temps, mon avis sur les spectacles d’animaux dressés a changé. Certes ils sont mieux dans la nature (enfin le seront-ils encore longtemps ?) mais de les avoir vu et côtoyé, j’ai appris des choses sur leurs besoins, sur leur vie et le contact crée quelque chose d’unique. La cause de ces animaux m’intéressera toujours plus car je peux dire que j’en ai connu. Oui je veux qu’on protège leur habitat naturel, je veux qu’on arrête de les braconner mais avant d’avoir rencontré les Pedersen, c’était le cadet de mes soucis. Aujourd’hui, je sais que les animaux captifs ne sont pas tous malheureux (ne sommes-nous pas nous même des animaux captifs ?) et une vie en communauté avec ces animaux est favorable aux deux espèces : humains et animaux et peut servir à sauvegarder des espèces en danger. Renforcer les contrôles, soutenir les spectacles de personnes qui traitent correctement les animaux et s’intéresser lors de ces spectacles à la manière dont ils sont traités et en parler avec les enfants. Je pense que l’avenir est dans le spectacle pédagogique où les parents auront bonne conscience car ils auront fait découvrir une partie étonnante de la biodiversité en vrai à leurs enfants, où les bêtes seront traitées dans les conditions optimales et où l’avenir d’un divertissement qui fait partie de notre patrimoine sera assuré. Visiter une ferme bio ne dérange pas les parents alors que les animaux vont être mangés, alors pourquoi s’acharner sur les cirques qui ne les mangent pas mais qui mettent en valeurs leur aptitudes spéciales afin de gagner de quoi vivre pour les bêtes et eux-mêmes… on vide la biodiversité bien plus pour le braconnage peaux, fourrures, cornes, etc. que pour le spectacle et l'achat d'animaux sauvages vivants, même à l'étranger, n'est pas aisé et très réglementé aussi.
Bref, à tous les excités de la cause animale qui militent : c’est bien de se battre. Il faut continuer (même si liker sur facebook n’est pas un combat), mais gardez à l’esprit que le contrôle sévère vaut mieux que la destruction pure et simple de l’activité. Et donnez une chance aux spectacles d’animaux en vous renseignant dessus, en les contactant, en vous intéressant aux pratiques. Il serait dommage de ne pas rencontrer Scoubi, Teddy et les Pedersen un jour à cause de convictions qui ne contredisent pas leur activité (vous pouvez même voir leurs pages Facebook et ils font des spectacles en France). Les enfants et même les grands comme moi, ont tout à y apprendre…
A bientôt !